Dans les dernières semaines, le sujet de l’immigration a été chaudement débattu. L’entièreté de l’attention a tourné autour de la question du Programme de l’expérience québécoise. Ainsi, peu ont noté que le gouvernement songe à effectuer une refonte complète du programme des immigrants investisseurs (connu sous le nom de PIIQ). Il s’agirait là d’une importante erreur.

Mis sur pied au milieu des années 80, ce programme vise à encourager la croissance économique du Québec par l’entremise d’une aide financière consentie aux petites et moyennes entreprises québécoises. Le programme cherche à attirer de riches investisseurs étrangers dotés d’un capital imposant pouvant servir de levier économique. En échange d’un placement sans intérêt pendant cinq ans, ces investisseurs peuvent acquérir à terme le droit d’immigrer au Canada à condition de satisfaire à un processus de sélection très élaboré.

Ce programme est-il bénéfique pour le Québec ? À la demande d’acteurs impliqués dans le domaine, nous avons étudié cette question au printemps dernier, et il est clair que le jeu en vaut la chandelle.

Il est possible de démontrer l’ampleur des bénéfices du programme pour les Québécois à l’aide des données compilées par Investissement Québec (IQ). Depuis le début des années 2000, le fonds global de placement constitué par le programme a surpassé les 14 milliards de dollars et généré 1,8 milliard de revenus. Cela a permis de consentir à plus de 6000 PME de la province une aide financière totale de plus de 900 millions pour l’expansion de leurs projets d’affaires. 

En utilisant une approche très prudente basée sur les rapports d’IQ, on peut estimer que le programme a contribué à sauvegarder ou à créer 4800 emplois. Ces 4800 emplois représentent plus de 200 millions de dollars par année, uniquement en masse salariale. Il convient d’ajouter que les intermédiaires financiers qui se chargent du recrutement et du processus de placement doivent avoir leurs sièges sociaux au Québec, ce qui contribue à renforcer une expertise québécoise unique dans le domaine des valeurs mobilières.

Au-delà des milliers d’emplois

Mais les gains du programme pour les Québécois vont bien au-delà de ces quelques milliers d’emplois. Le capital fourni aux firmes québécoises permet de générer des profits et de réaliser des investissements en équipement, technologie et formation qui augmentent leur productivité. Puisque les salaires offerts aux travailleurs dépendent largement du capital qui est appareillé à leur travail, une bonification du stock de capital permet de hausser leurs salaires. En outre, les immigrants investisseurs ont tendance à tisser des liens commerciaux avec leurs pays d’origine. Cela augmente le volume d’échanges commerciaux entre le Québec et les pays d’où proviennent les immigrants, ainsi que les gains économiques qui y sont rattachés.

Alors pourquoi vouloir mettre un terme au programme s’il est globalement bénéfique pour la province ? L’argument le plus souvent invoqué est celui voulant que seulement une minorité des immigrants admis sous ce programme demeure au Québec. Cependant, il s’agit d’une fausse excuse.

Tout d’abord, le départ de ces riches immigrants ne fait pas disparaître les firmes dans lesquelles ils ont investi.

Ainsi, les gains de productivité générés par ces investissements perdurent indépendamment du lieu de résidence des immigrants.

La question de la langue

Ensuite, contrairement à la plupart des immigrants au Québec, les immigrants investisseurs ont généralement une maîtrise faible du français, ce qui rend les autres provinces plus attrayantes comme lieu de destination. C’est la raison pour laquelle certains paramètres du programme ont été récemment réformés afin de favoriser les candidats possédant une maîtrise du français. Toutefois, en effectuant une refonte du programme, le gouvernement mettrait un terme à une réforme simple et efficace avant qu’elle ne livre pleinement ses fruits.

D’autre part, si le Québec veut vraiment conserver les immigrants investisseurs, en plus de leur capital, il y a des mesures plus efficaces. Le taux de rétention des immigrants est largement lié aux indices de réglementation de l’activité entrepreneuriale et à la lourdeur des fardeaux fiscaux. Il s’agit là des mêmes facteurs qui incitent, bon an mal an, certains Québécois en quête de meilleures perspectives d’emplois et de revenus à migrer vers d’autres provinces. Alléger les fardeaux fiscal et réglementaire pourrait vraisemblablement augmenter les taux de rétention des immigrants investisseurs. Ce genre de mesures préserverait les gains du programme tout en minimisant ses coûts.

Pourquoi le gouvernement décide-t-il de suspendre un programme qui a clairement produit des résultats désirables pour la société québécoise ? Soyons clairs, il y a toujours place à l’amélioration. Il serait plus avisé d’améliorer les particularités problématiques du programme afin d’augmenter les bénéfices pour le Québec.

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